Magazine Marie-Claire, Février 2020
Une grande enquête sur cette thérapie toujours plus sollicitée, à retrouver sur le site de Marie-Claire en cliquant sur l’image ci-dessous!
Elles ont retrouvé le sommeil ou arrêté de fumer après une seule séance d’hypnose. Longtemps considérée comme un spectacle de foire, cette thérapie, de plus en plus sollicitée, reste pourtant controversée. Peut-on donc vraiment se laisser hypnotiser sans crainte ? Notre enquête.
Puiser dans cette ressource intérieure permettrait ainsi de trouver une réponse à des problèmes qui se résolvent alors d’eux-mêmes. Reste à y accéder, ce que semble permettre la transe hypnotique, mystérieux état dans lequel un praticien peut aider à entrer par suggestion. Ici, pas de pendule devant les yeux qui vous mettent dans un état de transe. On reste toujours conscient, même si l’esprit peut un peu divaguer mais reste toujours accompagné par l’hypnotiseur.
Longtemps perçue comme un spectacle de foire, l’hypnose est sortie du folklore pour entrer dans l’univers médical. Créateur en 2001 d’un premier diplôme universitaire à la Pitié-Salpêtrière, Jean-Marc Benhaiem a contribué à développer son utilisation en milieu hospitalier.
« Tout le monde peut entrer en état d’hypnose, à condition de le vouloir »
« Elle permet de mieux répondre à des douleurs aiguës et chroniques, indique-t-il. On traite également des addictions, des troubles alimentaires, l’anxiété ou des phobies. » L’hypnose se révèle aussi précieuse en complément d’une anesthésie locale. « On apporte un confort au patient qui pourra transformer un évènement pénible en moment heureux, par exemple en se retrouvant projeté dans le voyage de ses rêves pendant son opération », apprécie Véronique Waisblat, anesthésiste à l’hôpital de Montfermeil. Marie a fait l’expérience deux ans après une intervention pour un cancer de la langue dont on lui a retiré un morceau. Elle avait depuis la désagréable sensation d’une langue énorme. Au bout de deux ans, on lui a prescrit de l’hypnose. « En une séance, cette forte gêne a disparu pour ne plus revenir », raconte-t-elle en n’en revenant toujours pas.
Isabelle Célestin-Lhopiteau, psychologue clinicienne et directrice de l’Institut français des pratiques psycho corporelles (Ifppc), affirme que « tout le monde peut entrer en état d’hypnose, à condition de le vouloir. La porte d’entrée doit ensuite être trouvée par le praticien ». À savoir un professionnel de santé, recommande la directrice de cet institut qui leur réserve ses formations. « On peut soulager une douleur, poursuit-elle. Mais il est important de pouvoir poser un diagnostic avant de faire de l’hypnose médicale ou thérapeutique. » Les docteurs Waisblat, Benhaiem et Dumas se placent sur cette même ligne. « C’est notre combat, revendique ce dernier. N’importe qui peut aujourd’hui poser une plaque d’hypnothérapeute, un terme qui ne veut rien dire. On est d’abord médecin, ou dentiste, et on pratique par ailleurs l’hypnose. » Ce n’est pas l’avis du syndicat national des hypnothérapeutes (SNH), qui compte neuf cents pratiquants non-médecins. « On en accepte autant qu’on en refuse, confie sa présidente Charlotte de Bouteiller. Pour nous, un hypnothérapeute doit avoir fait une formation d’au moins trois cents heures. Nous vérifions qu’ils aient obtenu un diplôme dans une école que nous avons validée. »
Encadrer les formations d’hypnose
Le SNH milite pour un statut officiel, arguant d’une complémentarité avec le corps médical. Pédopsychiatre et auteur en 2015 du rapport de l’Inserm sur l’évaluation de l’efficacité de l’hypnose, Bruno Falissard a pu la constater : « Les médecins ont trop de travail pour répondre à cette demande. Après une formation bien faite, il n’y a aucune raison de refuser la pratique de l’hypnose. Des acteurs comme le SNH font le ménage, mais c’est l’État qui devrait permettre d’évaluer et d’encadrer les formations. Or il laisse faire n’importe quoi. »
Répondant ces dernières années à un très fort engouement, de nombreuses formations sont ainsi proposées. Comme cette super promo à 87 € pour dix vidéos assorties de cours téléchargeables. Elle délivre un « certificat de praticien en hypnose classique », invitation à vous installer. Bien sûr, vous n’y connaîtrez quasi rien et ce n’est pas le stage de deux jours vendu en complément qui vous évitera de fermer presque aussi vite que vous vous serez formé.
Michel, qui propose pour 480 € des formations de trois jours spécialisées sur l’arrêt du tabac, donne sa recette du succès : « Il faut être commercial, car la thérapie est une vente. » Cette confidence, glissée quand on lui annonce être intéressé par ses services en vue de quitter notre pseudo-métier de commercial, n’inspire guère confiance, même si ce formateur nous assure qu’être un vendeur sera un atout maître pour une carrière hypnotisante. « Sa formation est bidon, comme beaucoup », peste Nathalie, une sophrologue qui l’a suivie avant de s’inscrire à L’Arche, école dont le cursus de huit cents heures est largement reconnu.
Eviter la psychologie de comptoir
Il regroupe déjà près de quatre cents membres que l’on appellera plutôt hypnologues. Quel que soit le nom donné, les praticiens de l’hypnose exerçant en France sans statut seraient aujourd’hui entre cinq et six mille. Pour le meilleur et le pire. Garantissant un niveau de formation, ce syndicat s’attache à poser des limites à la pratique. « Il est essentiel de livrer une solide formation de psychopathologie à nos étudiants pour qu’ils puissent déterminer quand un client sort de leur compétence », précise Kevin Finel. En hypnose, il importe de rester à sa juste place, de ne pas influencer la personne que l’on hypnotise. Ancienne infirmière devenue hypnologue, Pauline l’a vécu : « J’ai consulté un confrère qui s’est mis à me faire de la psychanalyse de comptoir en pleine séance en critiquant mon comportement. Je me suis trouvée complètement démunie et l’ai vécu violemment, car j’étais en fragilité. » Avec le recul, elle voit plus d’incompétence que de malveillance chez ce praticien ayant enfreint ce qui apparaît comme la règle numéro un : on ne donne pas de conseil, surtout pendant la phase de transe. Mais si de tels usages peuvent nuire, ils sont rares. Une hypnose mal pratiquée se révélera plus souvent par son absence de résultats, vite remarquée car ils sont censés survenir en très peu de séances.
Laetitia, 37 ans, a consulté en juin dernier un hypnothérapeute pour apaiser un « mal-être général ». Quatre séances. Une première où elle a raconté son histoire. Puis trois autres, des hypnoses, dit-elle, où la praticienne lui a raconté « une histoire, qui impliquait, dans mon souvenir mes parents, mon enfance, et un train. Elle a enregistré chaque séance, et m’a demandé de les réécouter chez moi le soir. » Ce qu’elle a fait. « Franchement je sais que cela ne m’a pas fait de mal, mais je serais incapable de dire si cela a eu des bénéfices sur mon état. Mes craintes n’ont pas disparu. »
L’efficacité de l’hypnose
« Tout ce qui peut apaiser le patient est respectable, l’important étant de le laisser dans sa liberté »
« Par l’hypnose, on se reconnecte avec la vie qui nous entoure en remobilisant ses forces essentielles », ajoute la thérapeute familiale Nicole Prieur, qui y voit une réponse à un besoin de nature spirituelle. Rencontrer son inconscient semble en tout cas mener à un univers de possibilités. Qu’il serve à se soigner ou à s’évader pour mieux se retrouver.
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